Le président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a effectué ce jeudi 30 mai 2024 une visite éclair d’amitié et de travail au Mali, où il a eu un tête-à-tête d’une heure avec le Président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta. Cette visite, selon plusieurs analystes, avait un autre objectif principal : tenter de convaincre les autorités de la Transition de repenser leur décision vis-à-vis de la CEDEAO.
Depuis la sortie officielle des pays de l’Alliance des États du Sahel (AES) de la CEDEAO, les manœuvres officielles et officieuses se multiplient pour ramener les trois nations au sein de l’organisation sous-régionale. Après les échecs des démarches diplomatiques officielles et l’appel de certains chefs d’État, c’est au tour du nouvel homme fort du Sénégal, le Président Bassirou Diomaye Faye, d’entrer en scène.
Élu à la tête de l’État sénégalais le 24 mars 2024, il a entamé des visites d’amitié et de travail dans les pays voisins. Il s’est d’abord rendu dans les pays en brouille diplomatique avec les États du Sahel avant de se rendre au Mali puis au Burkina Faso. Il s’agit de la Guinée-Bissau, de la Mauritanie, du Nigeria, de la Côte d’Ivoire, du Ghana et de la Guinée Conakry.
Position malienne rigide, mais pas totalement inflexible
Bien que durant sa visite, il ait tenté de se démarquer de la CEDEAO, il apparaît clair que M. Faye était en mission pour l’organisation. À l’issue de son entretien avec le Chef de l’État malien, il a manifesté son engagement à poursuivre les efforts pour ramener le Mali, le Burkina Faso et le Niger au sein de la CEDEAO.
« Je me réjouis d’avoir trouvé en mon frère, le Colonel Assimi Goïta, Président de la Transition malienne, toute la disponibilité et l’engagement à renforcer la coopération bilatérale, mais aussi à renforcer la concertation sur le plan multilatéral, que ce soit au niveau sous-régional, régional, mais aussi international », a-t-il affirmé. « Avec le Président Goïta, nous avons parlé du renforcement de la coopération sur tous les plans : échanges commerciaux, relations diplomatiques, lutte contre le terrorisme… Mais nous avons aussi abordé la question de la CEDEAO. Comme vous le savez, le Mali est membre des États de l’Alliance du Sahel. Ceux qui ont suivi mes déplacements dans les différents pays de la CEDEAO m’ont entendu prêcher cette bonne parole. J’ai longuement échangé avec le Colonel Goïta et j’ai compris la position malienne qui, bien que rigide, n’est pas totalement inflexible ».
En affichant clairement sa volonté de faire revenir les pays de l’Alliance, M. Faye montre aussi son engagement à exécuter une mission confiée par le président ghanéen Nana Akufo-Addo, qui, lors de sa visite la semaine dernière à Accra, lui a demandé de jouer un rôle dans la résolution de la crise entre l’AES et l’organisation régionale.
Reconnaître la bravoure de son homologue Goïta
« Je ne désespère pas de voir la CEDEAO repartir sur des bases nouvelles qui nous évitent la situation actuelle. Tant qu’on est dans cet élan, il nous faut travailler au sein de la CEDEAO avec les différentes parties prenantes pour voir comment réconcilier les positions. Mais le Sénégal n’envisage pas de rejoindre un ensemble quelconque », a-t-il ajouté.
Cette visite du président sénégalais au Mali, bien qu’elle suggère une mission de la CEDEAO, souligne la position de force des autorités de la Transition malienne. Elle témoigne du leadership du Président Assimi Goïta à faire respecter les principes fondamentaux de la République du Mali : le respect de la souveraineté du Mali, le respect des choix stratégiques et du choix des partenaires opérés par le Mali, et la prise en compte des intérêts vitaux du peuple malien dans les décisions prises. Le président sénégalais a reconnu la bravoure de son homologue Goïta et la résilience du peuple malien. « Je salue le Mali pour sa posture de bravoure et la dignité du peuple malien qui, face aux difficultés sur le plan sécuritaire et aux sanctions infligées, a su se relever », a-t-il déclaré.
La CEDEAO, une organisation inféodée à Paris
Commencer ce voyage par la République du Mali envoie un signal fort, prouvant une fois de plus le rôle pivot de notre pays dans le Sahel et l’éveil de conscience sur le plan continental et international. « Une fois de plus, on voit clairement que c’est la CEDEAO qui a échoué, car la décision du Mali est irréversible. Et tout porte à croire que c’est peut-être le Sénégal de M. Faye qui risque de rejoindre l’AES, car le Sénégal a tout à y gagner », explique un proche du pouvoir sénégalais.
Il précise que Bassirou Diomaye Faye, étant un panafricaniste de gauche, a été élu en promettant la rupture avec l’ancien système. « Il a dit vouloir faire revenir au sein de la CEDEAO les trois pays, mais cela pourrait être le contraire. Assimi et ses confrères du Niger et du Burkina Faso sont sur la bonne voie. Depuis le départ de l’Armée française du Sahel et la sortie de ces pays de la CEDEAO, une organisation inféodée à Paris, on observe beaucoup d’avancées sur le terrain dans le combat contre les terroristes », conclut notre interlocuteur.
La visite du président sénégalais au Mali démontre clairement les défis diplomatiques actuels de la région, mais elle met également en lumière la résilience et la détermination des nations du Sahel, regroupées au sein de l’AES, à tracer leur propre chemin, indépendamment des influences extérieures.