Mali : Choguel Kokalla, l’éternel insatisfait ? 

Choguel Kokalla Maïga, figure controversée de la scène politique malienne, divise par ses critiques virulentes contre la transition, tout en portant le poids d’un passé marqué par des zones d’ombre.

Choguel Kokalla Maïga. Ce nom évoque des contradictions, des postures changeantes et des ambitions insatiables. Autrefois symbole de résistance sous l’égide du M5-RFP, il est désormais la figure d’un Premier ministre qui, selon ses détracteurs, se débat davantage pour son propre maintien au sommet que pour l’intérêt général. Plongeons dans les zones d’ombre et les multiples facettes de cet homme politique controversé.

Un éternel insatisfait ou une victime de ses propres attentes ?

« Il n’y a pas de sincéromètre en politique », clamait Choguel avec une assurance désarmante. Cette affirmation, bien qu’elle puisse s’appliquer au jeu politique, illustre parfaitement la volatilité de ses alliances et de ses positions. De fervent soutien des régimes militaires à opposant farouche, puis à collaborateur des démocraties qu’il pourfendait hier, Choguel a souvent navigué entre ses convictions et les opportunités.

Il est stupéfiant de constater qu’un homme ayant longuement profité du système qu’il critique désormais puisse s’ériger en gardien des valeurs démocratiques ou en chantre de la souveraineté nationale. Que dire alors de ses déclarations acérées contre ceux qui l’ont protégé et soutenu dans son intimité alors qu’il était entre la vie et la mort ? Cette trahison perçue résonne comme une ironie amère dans la sphère politique malienne.

Le dossier AMRTP : une tache indélébile

Parlons chiffres. Lorsqu’il était à la tête de l’Autorité malienne de Régulation des Télécommunications/TIC et des Postes (AMRTP), Choguel a vu sa gestion épinglée pour un déficit de 2,5 milliards de francs CFA. Ce scandale financier reste gravé dans les mémoires. Les investigations menées à l’époque ont révélé des « zones d’ombre » dans la gestion de cet argent public, ternissant l’image d’un homme aujourd’hui prompt à critiquer la corruption et les dérives institutionnelles.

Peut-on réellement revendiquer la moralité en politique en ayant un tel passif ? Ce dossier, bien que éclipsé par d’autres priorités nationales, mérite d’être remis sur le devant de la scène. Il incarne non seulement une gestion douteuse, mais aussi l’impunité dont bénéficient certains dirigeants au Mali.

Un passé politique tumultueux

Choguel Kokalla Maïga n’a jamais vraiment trouvé sa place dans les arcanes du pouvoir malien. Souvent en marge des grandes décisions politiques, il a longtemps cherché à s’imposer, que ce soit en tentant des alliances avec Moussa Traoré ou en soutenant tour à tour des régimes militaires et démocratiques. Ce parcours sinueux n’a fait que renforcer l’image d’un homme politique oscillant entre ambition personnelle et opportunisme.

Ses adversaires le décrivent comme un « permanent insatisfait », toujours en quête de revanche contre un système qui, selon lui, ne lui a pas rendu justice. Pourtant, les multiples opportunités qu’il a eues — de l’AMRTP à son poste actuel de Premier ministre — suggèrent qu’il n’a pas su capitaliser sur ces mandats pour bâtir une vision claire et constructive pour le Mali.

Des ambitions mal maîtrisées

Choguel est aussi perçu comme un leader nostalgique d’une ère révolue. En se réclamant à la fois de l’héritage de Modibo Keïta et de Moussa Traoré, il semble vouloir conjuguer des idéologies incompatibles, ce qui ne fait que brouiller davantage son image. Sa posture actuelle — dénonçant les dérives tout en revendiquant un rôle clé dans la transition — reflète une tentative de rester pertinent dans un paysage politique qui évolue rapidement.

Mais cette stratégie atteint ses limites. En accusant les militaires de ne pas l’associer pleinement aux décisions clés de la transition, Choguel s’isole davantage. Ce sentiment de marginalisation, qui le poursuit depuis ses débuts, risque de le rendre impuissant dans la configuration actuelle du pouvoir malien.

Le poids de l’histoire et l’urgence d’une clarification

Le Mali, à un tournant critique de son histoire, ne peut se permettre de s’égarer dans des querelles d’ego et des accusations stériles. Choguel Kokalla Maïga, avec son passé complexe et ses contradictions flagrantes, incarne un défi pour la transition. Si son discours du samedi dernier devant les militants du M5-RFP, se veut celui d’un homme d’État préoccupé par le bien commun, ses actes et son héritage le trahissent souvent.

Pour avancer, le Mali a besoin d’un leadership uni et d’une vision claire. Les tensions internes et les rivalités doivent céder la place à une coopération sincère et à un sens des responsabilités accru. L’avenir du pays ne peut se construire sur des frustrations personnelles ou des agendas cachés.

Choguel Kokalla Maïga pourrait rester dans l’histoire comme une figure paradoxale : un homme politique qui avait le potentiel de marquer son époque mais qui, par ses contradictions et ses luttes intestines, a souvent échoué à incarner la stabilité et la vision qu’il prône. Le Mali, lui, ne peut plus se permettre d’attendre. Il est temps de laisser place à une nouvelle génération de dirigeants capables de surmonter les divisions et de construire un avenir réellement inclusif pour tous.