Le Mali a vécu, pendant trois décennies, la gouvernance dans un contexte de démocratie multipartite. Cette gouvernance, au lieu qu’elle soit bénéfique pour les populations, l’a plutôt été pour les gouvernants. D’où la déception des populations qui l’on exprimée à travers les assises nationales de la Refondation en fin 2022 et tout récemment lors des concertations sur la charte des partis politiques. C’est pourquoi, les autorités de la transition ont pris la décision historique de dissoudre les partis politiques et les organisations à caractère politique, afin d’amorcer un nouveau départ.
La Démocratie multipartite repose sur trois piliers : les élections, la gouvernance et l’alternance. Si l’un de ses piliers ne fonctionne pas bien, l’objectif recherché qu’est le bonheur du peuple ne sera pas atteint. Pendant trente ans au Mali, l’accent a été beaucoup mis sur les élections au détriment surtout de la gouvernance. Une mauvaise gouvernance qui a entraîné les populations dans les tréfonds. En dissolvant les partis politiques et organisations à caractère politique, les autorités de la transition ont répondu à un cri de détresse et de désespoir des populations. Cette dissolution va permettre de prendre un nouveau départ, c’est à dire une réorientaion du rôle des partis politiques, où l’accent sera mis d’abord sur la gouvernance. Autrement dit, il s’agit de rectifier la trajectoire du multipartisme. Revoir la gouvernance est une impérieuse nécessité au regard de ce qui s’est passé avec elle au cours des trois dernières décennies. Pendant plus d’un quart de siècle, on a assisté à l’émergence d’une nouvelle oligarchie composée de fonctionnaires milliardaires; d’élus, sans profession dans plusieurs cas, bougrement riches; de nouveaux super-opérateurs économiques et ; de chefs de partis politiques multi-millionnaires.
Des fonctionnaires millairdiaires
C’est avec la gouvernance de la démocratie multipartite que, pour lapremière fois, on a entendu l’expression » fonctionnaires milliardaires ». Ils sont des cadres qui ont été placés à des postes dit »juteux » afin non seulement d’alimenter les caisses des partispolitiques, mais aussi de préparer le financement des campagnesélectorales. Pour arriver à cette fin, ils recourent à plusieurs sortes detechniques . Une étude commanditée, en 2021, par l’OCLEI ( Officecentral de lutte contre l’enrichissement illicite) a démontré cestechniques par lesquelles ces fonctionnaires détournent les fondspublics. Cette étude a fait ressortir une multitude de techniques quidépassent l’entendement. Ce sont entre autres le Dédoublement deladministration publique ; la Prise illégale dintérêt ; laSurfacturation ; la Fraude en matière des examens et concours;les fraudes fiscale, douanière, électorale, informatique, etc. ; leFaux et usage de faux ; le Délit dinitié ; lUsurpation de titreou de fonction ; lOctroi davantages sans base légale; les Pots de vin issus de la Rétrocession illicite, le Paiement defacilitation (pour diligence); la Commission illicite ( Acceptationdargent par un agent pour influencer lattribution dunecommande publique ; la Fixation dun pourcentage du montantdu marché à payer ; le fractionnement des marchés ;l’Attribution illégale de marchés de gré à gré ; l’Accord entre lesmembres de la commission dappel doffres pour favoriserune entreprise afin quelle soit attributaire du marché public);Extorsion/Racket/Chantage ; la Distorsion dans lattribution etlexécution des marchés publics et délégations de servicepublic (en matière de passation de marché public, dexécutiondes marchés publics, etc.); Agents publics dirigeant desAssociations/ONG/fondations à travers leurs proches pour leuroctroyer des marchés et ainsi bénéficier des avantages de cesstructures sous forme de revenus additionnels non déclarés.
De nouveaux super -opérateurs économiques
La gouvernance de démocratie multipartite a « créé » de nouveaux opérateurs économiques par des techniques simples.Ces techniques consistaient en l’octroi de marchés publics. Unefois, le marché obtenu, l’opérateur était aidé à obtenir le pré-financement. A la fin de l’exécution du marché, il recevait lereliquat du montant qui était prévu. Pour un second marché, lemontant pouvait être le double voire le quintuple. Et le plussouvent, le même opérateur pouvait bénéficier de plusieursmarché à exécuter. La bonne exécution du marché est ledernier des soucis de la plupart des représentants de l’État.C’est ainsi que beaucoup de personnes qui n’étaient même pasdu milieu des affaires se sont retrouvés riches opérateurséconomiques. Certains de ces nouveaux opérateurséconomiques n’hésitaient pas à s’afficher publiquement avecles dirigeants des partis politiques. D’autres se faisaient appeler » opérateur économique de tel ou tel régime ». Ils participentfinancièrement au fonctionnement des partis politiques.
Des élus devenus subitement très riches
Qu’ils soient locaux ( élus municipaux) ou nationaux (députés), les personnes élues par les populations pour gérer leur destin, ont dans leur grande majorité, failli à cela. Pendant plus de trente (30) ans, être un élu au Mali signifiait une ascension sociale.De simples conseillers municipaux, le plus souvent sans profession, sont devenus subitement riches à travers la spéculation foncière. Ils ont jeté leur dévolu sur les terres en se muant plus en opérateurs immobiliers qu’en serviteurs des populations. L’assainissement, la mise en œuvre de stratégies de développement des communes ont été relégués à l’arrière plan par ces élus à la base. Quant aux députés, ils ont siegé à l’hémicycle, dans la plupart des cas, pour bénéficier des énormes avantages liés à leurs fonctions. Pendant la durée de leur mandats ( 5 à 10 ans ), rares sont ceux qui se soucient du sort des populations qui les ont élus. Ils cherchent rarement les avis des populations avant de voter telle ou telle loi. Ils restituent rarement aux populations les travaux qu’ils ont effectués au sein de l’hémicycle. Pire, beaucoup d’entre eux qui ont été élus à l’intérieur du pays, élisent domicile à Bamako, ne se rendant dans leurs localités que pour accompagner des délégations officielles ( ministres, premier ministre, président de la République ) qui effectuent des visites de travail.
Des chefs de partis politiques multi- millionnaires
Certainement, pour mieux apprivoiser les fonds publics, les instaurateurs de la démocratie multipartite au Mali ont eu « l’ingénieuse idée » de subventionner les partis politiques. Ainsi chaque année, d’énormes sommes sont gracieusement offertes par l’État aux partis politiques. Cette subvention était censée aider les partis politiques à sensibiliser, former et éduquer leurs militants afin qu’ils maîtrisent mieux les pratiques démocratiques. Tel n’a pas été le cas pour la plupart des formations politiques. Ces sommes sont devenues la chasse -gardée d’une équipe restreinte des directions nationales des partis. Dans d’autres cas, elles sont la propriété du tout puissant président du parti. Les militants ne sont informés de la réception de ces sommes qu’à travers la presse. Ainsi, la subvention de l’État aux partis politiques a été une aubaine pour plusieurs chefs de partis, sans profession, ni fonction, de s’enrichir. D’où certainement, la création effrénée de partis dans le pays.
A ces différents groupes de gouvernants, il faut ajouter les ministres, les ambassadeurs, surtout ceux qui l’on été, sur proposition de leurs partis politiques.
Tous ces gouvernants disent exercer leurs fonctions au nom des intérêts du peuple. Un peuple qui croule sous la précarité. Donc, au regard de cette gouvernance chaotique que le Mali a connue, il était plus que nécessaire de procéder au grand nettoyage dans le milieu politique. Espérons qu’avec un nouveau départ, la politique ne sera plus un moyen pour quelques individus de s’enrichir, mais une voie noble pour le développement harmonieux de tout le pays.
Sidi Modibo COULIBALY






